Je suis vraiment écoeurée. Voilà que je me retrouve à être de corvée de courses, tout ça parce qu’apparemment « mon bulletin n’était pas à la hauteur ». Non mais quelle plaie ! J’avais caché le bout de papier pourtant, mais nous sommes malheureusement à une ère où les profs ont appris à les envoyer aussi par email. En plus, ma mère n’a même pas voulu me prêter sa voiture sous prétexte que le supermarché n’est qu’à une centaine de mètres. J’ai eu beau argumenter que la nuit ne va pas tarder à tomber, que sa fille chérie sera seule dehors avec ces stupides courses, elle n’a rien voulu savoir. Mes parents ont décidé de me torturer donc, juste à cause de mes résultats scolaires. Parfait.

Je marche tranquillement, chargée de mon sac à dos qui servira à contenir les précieuses denrées, mon casque sur les oreilles. Plus je m’approche du supermarché, plus je sens mes jambes s’engourdir et mes douleurs revenir, alors qu’elles s’étaient plutôt calmées ces derniers jours. Je presse le pas, histoire d’en finir avec cette corvée et de pouvoir enfin aller dormir. Parce qu’à ce moment là, je ne me sens capable de rien d’autre. Mon cerveau s’embrume, et je baille. Je crois que si je pouvais je m’allongerais directement sur le trottoir pour m’assoupir un peu.

…

Soudain, je glisse sur quelque chose et tombe la tête la première dans une énorme flaque d’eau. Au moins, ça a le mérite de me réveiller d’un coup. Mais d’ailleurs, comment se fait-il qu’il fasse déjà nuit ? Je pensais pourtant avoir au moins une bonne demi heure devant moi… Je relève la tête et me rends compte que je ne suis pas du tout au bon endroit. Je suis même carrément loin. Non mais j’ai marché combien de temps ? Et surtout, comment ça se fait que je ne m’en sois pas rendue compte ?

Je suis complètement trempée. J’essaie de me redresser comme je peux. Sauf que l’eau est poisseuse, collante. Et foncée. Trop foncée. La lueur des réverbères me montre ce que je n’avais pas particulièrement envie de voir: ce n’est pas de l’eau, non, pas du tout. C’est du sang. Et il y en a partout. J’en suis couverte d’ailleurs. Je tourne la tête, et là je me rends compte que je ne suis pas seule: un visage figé dans une expression d’horreur, sans vie, semble me fixer. Mais ce n’est rien à côté de son corps: on dirait qu’on l’a réduit en charpie, c’est bien simple, il y en a plus dehors que dedans. C’est pire encore que tous les slashers que j’ai pu voir. Mon coeur bat à tout rompre dans ma poitrine et je tremble tellement que je ne sais pas comment j’arrive à me mettre debout. J’ai la soudaine pulsion de hurler, mais le cri reste coincé dans ma gorge, comme s’il ne voulait pas sortir. Je crois que je vais vomir.

C’est à ce moment là que j’entends des pas venir tout droit dans ma direction. Mon sang ne fait qu’un tour: soit c’est je ne sais qui qui a fait cette horreur qui revient sur les lieux du crime, soit c’est la police et dans ce cas là j’ai le profil parfait de la coupable, couverte du sang du mort et sans aucune explication à donner sur ce que je fais là. Autant dire que je prends direct mes jambes à mon cou. Enfin autant que possible parce que j’ai mal partout et que ma mauvaise jambe à décidé de faire des siennes. Tant pis je cours tout ce que je peux et me cache à la première occasion derrière un empilement de caisses de transport, en espérant ne pas crever ce soir.