«Et dire que je suis venue pour ça.» dis-je d'un air bougon.

Loin de moi l'idée de commenter négativement un événement aussi grandiose que proposait le Bronze mais c'était d'un mauvais goût. Des collègues de corps de métiers différents mais aussi complémentaires m'avaient invitée. Dans le lot il y avait deux pompières, une urgentiste ainsi qu’une assistante sociale. Etrangement, je m’entendais assez bien avec ces femmes. D’une part, je pensais que ces femmes étaient qualifiées dans leur métier. D’autre part, leur sérieux et leur coopération m’avaient touché au plus haut point. Ce qui m’attristait, c’est de savoir que trois d’entre elles mourraient avant moi et Danielle. Bien plus âgées, certaines avaient au moins 15 ans de plus. Ce serait une perte pour notre société que de les voir partir.

Néanmoins, cela venait de changer en une seule soirée. Toutes m’avaient convaincue de venir à cause d’une grosse soirée au Bronze. Et me voilà. J’étais tombée dans le piège du loup. J’aurai dû regarder leur programme. Je jetais mon regard le plus noir sur ces comparses qui riaient de me voir ainsi.

«Je vous déteste toutes» déclarais-je en grommelant entre mes dents.

Elles avaient toutes manigancées ! Et moi qui leur faisait confiance! Je buvais mon mocktail en leur jetant un regard de tueuse.

«Je ne bois même pas.» leur rétorquais-je.

Peut-être l'avaient-elles oublié. Je ne me baladais pas tous les jours avec mon voile mais j’essayais de respecter au mieux les principes de ma religion. Pas de porc, pas d’alcool, et je ne mangeais pas pendant le ramadan en journée.

«Faisons un défi. La première qui chopera le plus de cafard gagnera quelque chose en plus.» proposa Danielle en allumant sa cigarette.

Je levais les yeux au ciel. Au ciel les gamineries! Moi qui croyais que ces femmes, que j’avais pu considérer comme étant comme mes amies, n’étaient en réalité que des adolescentes prépubères.

«Celle qui en attrapera le plus pourra passer des vacances dans ma maison secondaire. Vous ne la connaissez pas. C’est une petite maison avec une plage privée.» répliqua Rosa d’un air malicieux.

«Et comment verrons-nous la personne qui aura obtenu le plus de cafards ? On ne va pas se trimballer tous les verres! » arguais-je.

«Prenons les petites pailles dans les verres. On les planque dans nos sacs et ça ira bien! La dernière payera toutes les tournées des autres! Je pars de suite à l’aventure !» assura Danielle.

La benjamine partit aussitôt ces paroles dites. Les autres suivirent sans demander leur reste. Je réalisais d’un coup que toutes les autres boissons seraient pour ma pomme si je ne me dépêchais pas. Je déposais ma veste en cuir marron. J’y laissais un stylo, mon portable ainsi qu’un bloc-notes dans les poches. Je prenais mon portefeuille que je mettais dans la poche arrière de mon jeans. J’aurai largement préféré le mettre dans une de mes poches avant. Néanmoins, les poches étaient si petites que je pouvais à peine y mettre deux doigts.

Je cherchais dans les recoins les plus sombres du Bronze pour dénicher un cafard. Je soulevais des affaires, chaises, verres, plateaux, manteaux. Soudain, la perle rare fit surface.

«Je te tiens misérable bestiole.» murmurais-je d’un air victorieux.

J’allais en direction du cafard. Tout d’un coup, une main prit le cafard. Je me mettais en rogne.

«Hey! C’était mon cafard!» hurlais-je contre le voleur.

Je prends le cafard. Je n’ai aucune envie de laisser passer cette chance. Je n’aime pas perdre surtout pour un défi débile et si simple à réaliser. Néanmoins, l’idée de le tenir entre mes doigts me dégoûte. Je prends un verre vide entre mes mains pour y mettre l’insecte répugnant à l’intérieur, je bloque l’insecte avec un dessous de verre au-dessus.

«C’est pas mon truc non plus, je te rassure. Je ne m’appelle pas Cendrillon. Je fais ça pour un truc débile en plus. Ni les cafards, ni l’alcool.» annonçais-je d’un air grognon.

J’inspire. Au final c’est vraiment un truc d’adolescent. J'avais hurlé sur ce pauvre gamin qui souhaitait simplement s’amuser. Je n’ai même pas l’excuse d’avoir bu une gorgée d’alcool pour m’être mise dans cet état.

«Non c’est à moi de…» me coupais-je.

Sans crier gare, quelqu’un s’avance vers le jeune homme. Un cousin de celui-ci peut-être, avec plus de couleur. C’est vraiment à la mode le vert comme ça ? Et qu’est-ce que ses cheveux doivent être défoncés avec une teinture pareille. Avec quoi peut-il assortir ses cheveux ? Sa couleur va sur un vert d’eau comme… de la peinture. L’adolescent me fait penser à une tortue joyeuse.
J’envie mes ancêtres et mon envie de rester avec le même brun que depuis ma naissance. Quelle plaie de devoir se décolorer ses cheveux, choisir la bonne teinture et rester parfois des heures pour obtenir un tel résultat.

Le nouvel arrivant qui me perturbait semble connaître son comparse et ne s’occupe point de ma personne. Il a choisi la cible de sa soirée, et ce sera mon voleur de cafard.

Quelque chose me fait tiquer. Quel âge ont-ils ? Après tout, ils semblent à peine être sorti du ventre de leur mère. Toutefois, il paraît que les asiatiques font plus jeunes qu’ils ne le paraissent. Et rien ne me garantit pour l’instant que ce sont des simples mineurs. Dans le cas où je viens à leur demander leur identité, ceux-ci risque de me refouler et d’être offusqués. D’autre part, je risque de leur miner leur soirée.

Au loin de la salle, je vois Danielle me montrer trois pailles. La garce. Elle tire la langue d’un air amusé. Quelle insolente!
Je regarde les deux jeunes hommes. Au diable les principes! Ce n’est pas comme si les lycéens ou les étudiants ne se torchaient jamais. Un verre de plus ou de moins, ce n’est pas ça qui risque de les tuer.

«Je devrais pas me mêler de ce qui ne me regarde pas. Je vous propose un marché des plus arrangeants. On trouve les cafards, vous buvez gratuitement les verres et vous me donnez uniquement la paille qui se trouve dans le verre. Et je vous laisse parler du bon temps comme bon vous semble.» proposais-je.

Après tout, qui ne voudrait pas accepter une telle proposition alléchante ? Plus on était, plus ils avaient de chances de pouvoirs boire. Et plus j'avais une chance de gagner une semaine de vacances dans un petit coin de paradis pendant quelques jours.

J’ai peut-être été un peu trop brusque dans ma démarche mais l’important c’est de gagner.
Soudainement, un homme me tend une paille. Je la tiens fermement. Il ne faut pas gâcher une seule paille. La perdre, ce serait échouer. Je le regarde à peine. Il me semble l'avoir déjà aperçu quelque part. Je ne sais plus où. Je lui lance tout de même un merci lointain. Je laisse les hommes galants me donner des pailles. Mais il faut tout de même les remercier. Je suis loin d'être un lama crachant sur n'importe qui.

Le cadet semblait s'être mis d'accord avec son comparse sur notre petite affaire.
L’arrangement avait été conclu entre nos deux parties. Et voilà comment un deal se faisait. L’alcool était le début de tout.

L’autre jeune homme m’ignorait complètement, certainement trop occupé à admirer son meilleur ami. Au lieu de taper une scène au milieu du bar, en réclamant l'attention du public comme le ferait une certaine Karen, je décide de faire de même. S’il ne compte pas m’aider, tant pis pour lui. Il ne m’intéresse pas.

Si je n'étais pas policière, j'aurai l'impression de revêtir l'habit d'un grand criminel œuvrant pour le pouvoir.

Mais ce que je voulais plutôt dire c’était «  Mais qu’est-ce que c’est que ces horreurs-là ? ». Ils sont monstrueux, on dirait des bêtes. Et puis il y a comme un vent de panique. Et visiblement des gens se font pire que casser la gueule. Certains semblent raides mort. Est-ce que c’est une animation du Bronze ? En plus des cafards maintenant on doit nettoyer les poivrots de la soirée ?

Lorsque je comprends que le corps est sans vie, je comprends que la situation est très grave et que ce n’est pas l’animation de l’endroit. D’instinct, je dirige mes mains vers mon arme de service… qui se trouve absente. Je me maudis intérieurement. Le moment est extrêmement pesant et des vies sont en jeu.


Après tout j’étais l’adulte, la policière. Les forces de l’ordre sont sensés combattre le désordre, les petites frappes, tout ce qui est contraire au maintien de la paix. Je cherche les objets aux alentours qui pourraient m’être utile. Les adolescents n’étaient pas utiles je les mets de côté. Je visualise le nombre de dangers, les personnes pouvant aider et les futures victimes. Cela risque d’être un carnage si je n’interviens pas. Personne ne semble être à la hauteur de ces Quasimodo. Je sais que je suis la seule à être apte. Entre les maigrichons, les alcooliques, les jeunes étudiants et les paumés, je suis la femme de la situation.


Ils allaient comprendre quel était mon plan. Ainsi ils allaient pouvoir se casser rapidement et faire ce qu'ils avaient à faire. Ouais, des trucs de civils comme fuir, appeler les flics, crier à l'aise, chialer, s'évanouir.
Je me dirige en courant vers un extincteur, je le prends puis cours en direction de la table la plus proche. Je monte sur la chaise puis sur la table. Je mets tout ce qu’il y a dessus par terre. Je sais que certains se pissent dessus rien qu’avec cette situation. J’enlève la goupille de l’extincteur et je le dirige vers les plus proches criminels. La lance


J’appuie sur le levier pour les asperger . Je ne suis qu’une furie. C’est pas des sales arrivants qui vont faire peur à Zorah Salib.