We want war

Les rayons du soleil abdiquent, vaincus par le temps et la rotation du soleil. Un nouveau jour touche à sa fin, transformant un présent tangible en souvenirs inconsistants. La tendresse des moments passés possède le goût amer d'un poison. Le son de sa voix, avec le temps, elle l'oublie. Obligée de visionner les vestiges d'un amour bafoué, contrainte d'entretenir ce tourment éternel pour qu'il persiste une trace de lui, de leur union. Un nouveau jour s'achève, le temps oeuvre, mais sa peine persiste. Un nouveau jour s'achève, mais elle est toujours là, debout sur ses deux jambes. Maintenue par deux béquilles : l'alcool et la chasse. Une nouvelle fois, elle relance la vidéo de cette matinée ensoleillée en sa compagnie. Un petit détour dans les rues lyonnaises après une chasse exaltante. La chaleur de sa main dans la sienne, la manière dont leurs doigts se frôlaient pour mieux se retrouver chaque fois qu'ils étaient amenés à se détacher l'un de l'autre. Ce sont ces petits détails, les plus insignifiants, qui éveille en elle cette déchirure et inondent ses yeux. Elle se détourne finalement de ce cadre idyllique et rabat l'écran de son ordinateur avec force.

Elle quitte le confort de son canapé pour se réfugier dans la cuisine. Son appartement n'étant pas un palace, quelques pas seulement lui suffissent. Elle s'équipe de sa tequila, récupère un shooter abandonné dans l'évier et s'offre non pas une dose, mais bien trois doses de courage liquide. Un autre poison, bien plus concret, qui court à travers ses veines, anesthésie ses plaies purulentes et la galvanise.

L'heure à sa montre connectée lui indique qu'elle est à la bourre. Avec nonchalance, elle déambule dans son appartement, à la recherche d'un pantalon à enfiler. Le seul qui n'est pas tâché de sang ou qui n'empeste pas l'alcool et le tabac s'avère être son futal en cuir. Pas le plus confortable, toutefois il met incroyablement bien son cul en valeur. Un sourire fugace anime son visage et une pensée pour Candace éloigne ses vieux démons un court instant. Sexy girl on fire, songe la chasseuse en s'habillant. Elle complète sa tenue d'un pull noir à col roulé au tissus fin et près du corps. Assurée de ne pas finir le cul à l'air et de ne pas attraper la mort, la blonde récupère ses bottes et cache une dague dans l'une d'elle. Vient ensuite son holster d'épaule qu'elle dissimule sous une veste en cuir, où deux armes à feux dorment tranquillement. Son holster de cuisse, quant à lui, permet de dissimuler ses pieux et ses fioles d'eau bénite. Elle a même une grenade lacrymogène qu'elle voulait, à la base, utiliser dans le bureau d'Elkan. Mais avant, elle aimerait bien la tester sur le terrain, juste pour rigoler un peu. Et enfin, elle vérifie la boucle de sa ceinture qui est au final un couteau. Pratique et discret. Roxane approuve totalement. Enfin prête, elle prend son sac de sport qui contient son fusil à pompe à canon scié ainsi qu'une hache, et se lance dans les abysses de la ville.

Une âme errante. Elle déambule, flâne alors que le cadran de l'horloge continue de tourner. Le temps s'égrène sans que ses bottes accélèrent le tempo. Les mains résolument dans ses poches, elle avance jusqu'à son rendez-vous en prenant l'itinéraire le plus long. Non par réticence à l'idée de semer la mort et le carnage, mais bien précisément parce que cette idée attise en elle un plaisir presque malsain. La douleur, celle qu'on reçoit et qu'on inflige, vive et sans pitié. La douleur, celle qui pulse à travers tout le corps et apaise les maux de l'âme. Oui. Roxane a hâte et l'anticipation lui arrache par moment des frissons. Toutefois le déni est un mécanisme fourbe et la chasseuse met ces frémissements sous le compte du froid hivernal.

A l'approche des docks, la chasseuse repère la silhouette reconnaissable de Candace. Plus elle avance, plus ses yeux se perdent sur les courbes de sa collègue. Parfois, elle se surprend à imaginer ses doigts glisser dans sa nuque, et aussitôt, la culpabilité pointe le bout de son nez. D'abord derrière elle, Roxane la contourne pour prendre place devant elle. La réaction de la demoiselle ne tarde pas et un sourire narquois s'imprime sur le visage de la blonde. Elle ignore le sarcasme et s'empare d'une cigarette qu'elle glisse entre ses lèvres. L'instant d'après, elle l'allume et tire une bouffée. Tout dans ses gestes respirent la désinvolture alors que son être frémit à l'idée du combat à venir.

- Faillit seulement? Alors tout va bien.

Tout en empoisonnant son organisme, Roxane surveille le bateau du coin de l’œil. L'agitation sur le pont donne l'impression que ce n'est qu'une question de temps avant que l'épave quitte les quais. L'envie de foncer dans le tas lui fait battre le sol avec ses bottes. Réfléchir avant d'agir. On le lui répète sans cesse. Pourtant, tout son être ne désir qu'une chose, se jeter dans la fosse aux lions et voir ce que l'avenir décidera. Une roulette russe démoniaque. Sauf que sa vie n'est pas la seule en jeu, alors elle calme ses ardeurs.

- C'est quoi le plan? On monte sur le bateau et on attend de voir?

Même si, armées comme elles sont, et au vu de leurs réputations respectives, y'a peu de chance qu'on les laisse entrer sans broncher. Roxane hausse un sourcil à cette pensée. Non... la meilleure solution est résolument de foncer dans le tas. Sauf si Candace a trouver une façon de rentrer incognito. Un complice à l'intérieur, peut-être?